Chapitre 5
Sola gratia  

Nous arrivons au troisième sola de la foi réformée : sola gratia, qui signifie par la grâce seule. Les réformés ont été les champions-défenseurs de la doctrine du salut par grâce. Je ne connais aucun courant théologique qui admire et estime davantage la grâce de Dieu que celui de la théologie réformée. Pour un réformé, la grâce est au cœur du plan de Dieu et elle est la clé qui permet de comprendre toutes les doctrines qui se rattachent au salut. Je ne pourrai donc pas traiter le sola gratia en un seul chapitre mais pour bien présenter la nature, la nécessité, l’efficacité et la suffisance de la grâce de Dieu il me faudra quelques chapitres. Ce point est particulièrement important puisque c’est précisément ici que la théologie réformée se distingue des autres, au point où l’on résume parfois l’enseignement réformé aux doctrines de la grâce de Dieu. 

Je dois dire que suite à ma conversion, il n’y a aucun enseignement biblique qui a autant transformé ma pensée et ma vie entière que le sola gratia. Mon âme ne goûte rien de plus suave que l’étendue et la profondeur de la grâce de Dieu. Cette grâce est encore plus magnifique lorsque nous saisissons combien misérables et mauvais sont les pécheurs. J’estime qu’il est d’une importance capitale d’exposer l’Évangile de la grâce parce qu’on ne pourra jamais trop en parler; pour autant qu’on ne dénature pas cet Évangile avec une fausse grâce licencieuse. La grâce est au cœur du salut, on ne peut comprendre et vivre le salut, sans comprendre et vivre la grâce de Dieu. L’Église est tombée dans beaucoup d’erreurs lorsqu’elle s’est éloignée de la grâce. N’allez surtout pas croire que nous sommes immunisés contre ce danger. 

Voici deux raisons pour lesquelles il me semble que les Églises évangéliques sont à risque. Premièrement parce qu’il existe une grande confusion théologique en ce qui concerne la grâce de Dieu dans nos milieux. Cette confusion vient principalement du deuxième grand réveil (fin du 18e début du 19e siècle) duquel le mouvement évangélique est issu en grande partie. Ce réveil religieux fut grandement influencé par un prédicateur largement accepté parmi les évangéliques encore aujourd’hui : Charles G. Finney. Ce dernier prêchait le perfectionnisme chrétien, le salut par les  œuvres et il niait la doctrine de l’expiation de nos péchés par Jésus-Christ. Finney était définitivement plus préoccupé par la morale chrétienne et la sanctification que par le salut par grâce et la justification. Depuis, le milieu évangélique demeure confus ayant hérité, d’une part, de la théologie de la Réforme qui croit à l’Évangile par la grâce de Dieu seul et ayant hérité, d’autre part, du légalisme du deuxième grand réveil qui met l’accent sur l’homme pour accomplir son salut. De cette cohabitation hétérogène et hétérodoxe, résultent beaucoup de confusion et d’erreurs doctrinales graves. 

Deuxièmement, cette confusion est venue pervertir la compréhension même de ce qu’est la grâce de Dieu. Pour beaucoup, la grâce signifie l’ouverture, l’acceptation, voire la complaisance. « Dieu ne juge personne », il accepte tous les hommes tels qu’ils sont et nous devrions en faire autant. Avec une telle compréhension de la grâce, nous perdons complètement l’Évangile de la croix, car la croix est un scandale gênant dont il faut se défaire, car elle montre la haine de Dieu contre le péché. Il n’est plus question de prêcher la nécessité de la repentance ni de parler du péché, du jugement et de l’enfer. Toutes ces choses sont incompatibles avec « la grâce » d’un Dieu d’amour... C’est ainsi que beaucoup d’Églises évangéliques ont fini par moderniser leur discours afin d’être inclusives, positives, accueillantes, etc. Le problème c’est que cette nouvelle approche repose sur une fausse compréhension de la grâce de Dieu qui n’est rien de moins qu’une perversion de l’Évangile. Je prie afin que le Seigneur me donne d’expliquer et de magnifier sa grâce telle qu’Il l’a révélée dans sa Parole. 

1. Le salut par la grâce 

Le mot « grâce » est synonyme de « pardon ». Être sauvé consiste à être gracié, c'est-à-dire à ne pas être puni pour nos péchés. Ce pardon est nécessaire pour qu’un homme puisse éviter le jugement. Dieu seul a fait ce qu’il fallait pour gracier l’homme en envoyant son Fils dans le monde. Le verset le plus connu de l’Écriture sainte dit : « Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. » (Jn 3.16). C’est par Jésus seul que Dieu pardonne aux pécheurs, car c’est lui qui a subi la peine que méritaient nos péchés. Ainsi, le salut est par grâce. La plupart des chrétiens s’entendent sur le fait que le pardon de Dieu est une grâce. Par contre, ils ne s’entendent pas sur la façon d’obtenir cette grâce; ce qui nous mène à notre deuxième point. 

2. La gratuité de la grâce 

Vers la fin du 4e et au début du 5e siècle, il y eut un moine nommé Pélage. Celui-ci enseignait que l’homme peut parvenir à la sainteté par sa propre justice. Pélage fut officiellement condamné par l’Église chrétienne de l’époque car son enseignement niait la doctrine du péché originel ainsi que la doctrine de la grâce de Dieu. Son principal opposant fut l’évêque d’Hippone, Augustin. Ce dernier, à partir des épîtres de Paul, enseigna que la chute d’Adam avait entraîné tous les hommes dans le péché et qu’ainsi la grâce de Dieu était absolument nécessaire au salut de l’homme. 

Bien que le pélagianisme fut officiellement condamné, l’enseignement de Pélage eut beaucoup d’influence sur l’Église des siècles ultérieurs. L’Église catholique devint semi-pélagienne; c'est-à-dire qu’elle affirmait le péché originel et la nécessité de la grâce de Dieu, tout en enseignant que chaque chrétien devait et pouvait atteindre la sainteté par sa propre justice. Le salut demeurait un don de Dieu, mais l’homme devait néanmoins le gagner. C’est ainsi que l’Église entra dans les mille ans d’âge noir, c'est-à-dire le Moyen-âge. Durant cette période, le salut est devenu l’industrie de l’homme et fut altéré au point d’être commercialisé. 

Cette période sombre de l’Église a continué jusqu’au plus grand réveil de toute l’histoire : la Réforme. Les réformateurs n’ont pas inventé un nouveau message qui allait révolutionner l’Église; ils ont simplement prêché le vieil Évangile de la grâce de Dieu qu’ils avaient redécouvert dans les saintes Écritures : « Sola gratia » fut le cri de la Réforme. Dieu ne vend pas sa grâce, il ne l’échange pas contre des œuvres de justice, de pénitence, de miséricorde ou de piété, mais il la donne à tous ceux qui se repentent de leurs péchés et qui croient. Ce message a littéralement bouleversé l’Europe du 16e siècle et changé le cours de l’histoire. Être réformé, c’est croire à la gratuité de la grâce de Dieu. D’ailleurs, une grâce qui n’est pas gratuite n’est plus une grâce : « Or, si c'est par grâce, ce n'est plus par les œuvres; autrement la grâce n'est plus une grâce. Et si c'est par les œuvres, ce n'est plus une grâce; autrement l'œuvre n'est plus une œuvre. » (Rm 11.6). 

Le dernier sola que nous avons étudié était le sola fide. Nous avons vu que l’homme est déclaré juste par le moyen de la foi seulement. L’Écriture nous dit la raison pour laquelle la justification est par la foi : « C'est pourquoi les héritiers le sont par la foi, pour que ce soit par grâce » (Rm 4.16). Le seul moyen qui est compatible avec un salut par la grâce c’est un salut par la foi. La foi, bien qu’active, n’est pas contributive, mais réceptive. Elle se repose en Christ et non en nous-mêmes; elle se confie dans la grâce de Dieu et non dans notre justice. Sola fide et sola gratia sont inséparables. 

La gratuité de la grâce signifie que nous n’avons rien à faire pour obtenir la vie éternelle. La gratuité de la grâce signifie que notre salut est entièrement un don de la pure grâce de Dieu et que nous n’avons aucun mérite à faire valoir. Qui que nous soyons, nous sommes tous égaux vis-à-vis de la grâce du Seigneur. Aucun homme n’entrera au ciel par ses propres mérites, mais uniquement par la grâce de Dieu. La Bible dit : « Le salaire du péché, c'est la mort; mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur. » (Rm 6.23). Le texte original n’emploie pas le pléonasme « don gratuit », mais simplement le mot « carisma », « charisma » qui signifie « don » ou « cadeau ». Par définition un cadeau est gratuit autrement ce n’est plus un cadeau. 

Nous devons, pour préserver l’Évangile pur, maintenir la gratuité de la grâce. N’essayons jamais d’obtenir la faveur de Dieu, son pardon, ses bénédictions, ses réponses à nos prières, son sourire autrement que par la foi en sa grâce. À cause du péché, nous avons cette tendance à vouloir mériter les bienfaits du Seigneur ou à s’en priver lorsque nous considérons que nous en sommes indignes. L’Écriture déclare : « Veillez à ce que nul ne se prive de la grâce de Dieu » (Hé 12.15). Il n’y a rien de noble ou d’humble à refuser la grâce de Dieu pour tenter de gagner sa faveur par nos mérites. Accepter sa grâce, c’est admettre notre culpabilité et reconnaître que sans la bonté imméritée de Dieu nous sommes perdus. Cette attitude noble et humble est celle qui glorifie le Seigneur. L’Écriture nous rappelle que « sans la foi il est impossible de lui être agréable; car il faut que celui qui s'approche de Dieu croie que Dieu existe, et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. » (Hé 11.6). Nous ne devons croire qu’en Dieu seul et ne nous attendre qu’à sa bonté, sa miséricorde et sa grâce infinie. Celui qui croit cela et s’attend à Dieu de cette manière lui est agréable. 

3. La cause de la grâce 

Mon troisième point constitue la distinction entre la compréhension évangélique réformée et la compréhension évangélique non réformée de la grâce. Pour un non-réformé, le mot grâce signifie simplement la gratuité du salut. Pour un réformé, le mot grâce évoque la gratuité du salut, mais 

également la cause de la grâce. Autrement dit, un réformé croit que c’est par grâce qu’il a obtenu grâce. Voici quelques explications. 

Vers la fin du 16e siècle et au début du 17e, il y eut un théologien néerlandais du nom de Jacob Arminius. Arminius est aux évangéliques non-réformés ce que Pélage est aux catholiques. Ce théologien néerlandais ne niait pas la doctrine du péché originel ni la doctrine de la grâce de Dieu. Par contre, il niait la doctrine de l’élection qu’il remplaçait par la doctrine du libre arbitre. Selon Arminius, ce n’est pas par la grâce de Dieu qu’un homme obtient la grâce du salut, mais plutôt par une décision personnelle. 

Que vous en semble? Dieu nous a-t-il fait grâce parce que nous avons cru ou avons-nous cru parce que Dieu nous a fait grâce? La foi est-elle, ultimement, la cause de la grâce ou la grâce est-elle, ultimement, la cause de la foi? Tous les réformés pensent que la grâce de Dieu est à l’origine de leur conversion à Dieu. La grâce de Dieu a produit en nous la foi afin que nous obtenions grâce pour nos péchés. Ainsi, la cause de la grâce ce n’est pas la foi, mais c’est la grâce. La foi n’est jamais présentée comme étant la cause du salut, mais uniquement le moyen du salut. La cause unique du salut c’est la grâce de Dieu. 

Voilà ce que les réformés comprennent par l’expression « la grâce de Dieu ». Rien n’est plus précieux que cette grâce. Elle est absolument vitale et totalement gratuite. La grâce est l’expression de l’infinie bonté du Seigneur, elle est entièrement libre et entièrement bonne. La grâce a surabondé envers nous pécheurs par l’amour de Dieu. C’est grâce à cette grâce que nous croyons en Dieu et l’aimons. L’Épître aux Philippiens dit : « il vous a été fait la grâce, par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui » (Ph 1.29). Selon l’apôtre Paul, croire en Christ est quelque chose qui nous est accordé par la grâce de Dieu et non quelque chose que tous peuvent obtenir par leur libre arbitre. Cette grâce nous a été accordée bien avant le moment où nous avons commencé à penser à Dieu, bien avant le moment où nous avons même simplement commencé à penser. « Il nous a adressé une sainte vocation, non à cause de nos œuvres, mais selon son propre dessein, et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus-Christ avant les temps éternels. » (2 Tm 1.9) 

Je crois que seule cette compréhension de la grâce adoptée par la théologie réformée respecte entièrement la nature de la grâce de Dieu telle qu’elle est révélée dans sa Parole. Dans les prochains chapitres, nous approfondirons cet enseignement qui a été introduit aujourd’hui. Nous devrons examiner cinq éléments de la grâce divine : sa nécessité, son origine, sa portée, son efficacité et sa durée. 

Lecture supplémentaire : Ps 103.1-18 

 

LA FPMA

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Woodlawn est un film américain réalisé par les frères Andrew et Jon Erwin, sorti le aux États-Unis. Le film est basé sur la vie de Tandy Gerelds et Tony Nathan (en)