Chapitre 4
Sola fide, la foi
 

Les réformés ne croient pas à la justification par la foi! Ils croient à la justification par la foi seule. L’adjectif « seule » distinguait les réformateurs des théologiens catholiques qui, eux aussi, croyaient à la justification par la grâce et par la foi; mais non par la grâce seule et par la foi seule. Depuis bientôt cinq cents ans, l’orthodoxie réformée insiste : la justification est par la foi seule. 

Dans le dernier chapitre, nous avons vu que « justifier » ne signifie pas « rendre juste », mais
« déclarer juste ». Ensuite nous avons examiné sur quelle base la justification d’un pécheur peut s’opérer. Cette base est l’obéissance passive et active de Christ qui est imputée aux pécheurs. Maintenant que nous avons vu comment Dieu justifie des pécheurs tout en demeurant juste, il faut se demander qui sont les pécheurs que Dieu justifie. Justifie-t-il tous les pécheurs? Manifestement non! Dieu justifie uniquement les croyants. Maintenant que nous avons vu la base objective de la justification, regardons l’application subjective de la justification. Cet enseignement se divise en deux points; le premier point est La foi et la justification, le second point est Les œuvres et la justification. 

1. La foi et la justification 

« L'homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi » (Rm 3.28). Dieu ne déclare juste aucun homme sur la base de son obéissance ou de ses bonnes œuvres, mais Dieu déclare justes tous ceux qui croient en Jésus-Christ. La Bible est sans équivoque : « Car c'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu. Ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Ep 2.8-9). Nous avons vu que Dieu peut nous déclarer justes parce qu’il nous impute l’obéissance de Jésus-Christ. Par quel moyen nous impute-t-il cette obéissance? Est-ce par les sacrements? Ou par notre propre obéissance? L’Écriture déclare que c’est uniquement par le moyen de la foi. 

La foi comme moyen 

L’Écriture ne présente pas la foi comme la cause ou la base de notre justification, mais uniquement comme le moyen. Ce n’est pas la foi elle-même qui nous rend justes aux yeux de Dieu, c’est Christ. La foi est uniquement le moyen par lequel nous recevons Christ. Cette distinction est très importante pour saisir la différence entre l’enseignement protestant réformé et l’enseignement protestant non réformé. Les non-réformés voient souvent la foi comme étant la cause de la justification : « Si je suis justifié, c’est parce que j’ai la foi. » Les réformés voient la foi uniquement comme un instrument : « Si je suis justifié, c’est parce que Dieu m’a gratuitement imputé la justice de Christ par ma foi. » La base de notre justification ce n’est pas notre foi, c’est la justice de Christ; la cause de notre salut ce n’est pas notre foi, c’est la grâce de Dieu... 

Jamais l’Écriture ne dit que nous sommes justifiés « à cause de la foi ». Nous sommes justifiés « par le moyen de la foi (dia pistéōs) » (Rm 3.30), « à partir de la foi (ek pistéōs) » (Rm 3.26), « par la foi (pistei) » (Rm 3.28), mais jamais « sur la base de la foi (dia pistin) ». Henri Blocher écrit : « Ces données appuient la thèse des héritiers de la Réforme : la foi n’est la cause ni méritoire ni efficiente, mais instrumentale; exactement, elle est organe d’appréhension (leptikon), la main vide qui saisit et reçoit1 ». 

Pourquoi la justification est-elle accordée par la foi? Laissons l’Écriture répondre à cette question :
« C'est pourquoi les héritiers le sont par la foi, pour que ce soit par grâce » (Rm 4.16). La foi n’est pas simplement quelque chose de passif; elle est quelque chose d’actif, un acte positif, elle est une œuvre (1 Th 1.3 ; 2 Th 1.11 ; Jn 6.29); croire c’est faire quelque chose. Cependant, la foi est un acte non-contributif, c'est-à-dire que la foi, bien qu’elle soit active, ne fait que recevoir. Ainsi, la justification n’est pas quelque chose que nous avons mérité, il s’agit de l’œuvre de Christ et c’est un don, une grâce, un cadeau de la part de Dieu. Pour que la justification demeure une grâce, il n’y a qu’un seul moyen compatible pour la recevoir : la foi. Ainsi, la foi exclut toute possibilité pour celui qui est justifié de se glorifier, il ne peut qu’être humble et reconnaissant. « Où donc est le sujet de se glorifier? Il est exclu. Par quelle loi? Par la loi des œuvres? Non, mais par la loi de la foi. » (Rm 3.27) Sola fide est en parfaite harmonie avec soli Deo gloria. 

L’objet de la foi 

Dans les milieux évangéliques, nous avons l’habitude de présenter l’Évangile au moyen des quatre lois spirituelles. Ces lois sont énoncées de la façon suivante : 1. Dieu vous aime. 2. Vous êtes séparés de Dieu par votre péché. 3. Jésus-Christ est mort pour le péché. 4. Vous devez recevoir Christ personnellement. Avec cette synthèse de l’Évangile, nous avons développé la malheureuse tendance à mettre notre foi dans le plan du salut plutôt qu’en Jésus-Christ. Je m’explique; nous avons parfois l’impression que, pour être sauvé, il faut comprendre et accepter le plan du salut. À mon sens, nous avons changé l’objet de la foi. 

L’objet de la foi, ce qu’il faut croire pour être sauvé, n’est pas la justification par la foi seule. Autrement dit, croire que l’homme est sauvé par la foi seule ne sauve pas. L’objet de la foi c’est Jésus-Christ. Seule la foi personnelle en lui sauve. Lorsque Jésus dit à la femme qui avait une perte de sang ou à l’aveugle sur le chemin de Jéricho ou à la femme qui lui lava les pieds ou au lépreux revenu le remercier : « ta foi t’a sauvé », ceux-ci n’avaient probablement pas encore compris le plan du salut, mais ils croyaient en lui. Jean Calvin illustrait ainsi la relation entre la foi et Christ : « De la même manière qu’un pot plein d’or enrichit celui l’a trouvé, la foi, bien qu’elle n’ait en elle-même ni dignité ni valeur, nous justifie en nous offrant Jésus-Christ2. » La foi nous justifie pour la même raison qu’un pot plein d’or nous enrichit : à cause de ce qui y est contenu et non à cause du contenant lui- même. 

Le salut n’est pas une question de croire en l’orthodoxie, même si l’orthodoxie de certaines doctrines est essentielle au salut. Jacques dit : « Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien; les démons le croient aussi, et ils tremblent. » (Jc 2.19). Croire que Jésus est le Sauveur du monde ne sauve pas, à moins de croire en lui personnellement... Je ne saurais mieux l’exprimer que le théologien réformé B.B. Warfield : 

La puissance salvatrice de la foi ne réside pas en elle-même, mais dans le Sauveur tout-puissant en qui elle se repose (...) Ce n’est pas la foi qui sauve, mais la foi en Jésus-Christ (...) Ce n’est même pas, strictement parlant, la foi en Christ qui sauve, mais Christ qui sauve par la foi. La puissance salvatrice de la foi réside exclusivement, non pas dans l’acte de la foi ou l’attitude de la foi ou la nature de la foi, mais dans l’objet de la foi3. 

2. Les œuvres et la justification 

Il y a toujours eu une tendance chez l’homme à vouloir être justifié par ses œuvres. L’homme est radicalement orgueilleux et il est poussé à rejeter la grâce de Dieu pour faire valoir ses mérites. L’Écriture est sans équivoque : « Ce n'est point par les œuvres *que vous êtes sauvés+, afin que personne ne se glorifie. » (Ep 2.9). Cependant l’Écriture, loin de condamner les œuvres, les exige... Cette « ambivalence » fait en sorte que plusieurs chrétiens sont perplexes quant à la place des œuvres dans la vie du croyant de sorte que légalisme et antinomisme cohabitent parmi les évangéliques. Plusieurs ne sont pas au fait de cette question et sont dans une grande confusion quant à leur justification. 

Une contradiction? 

La Bible se contredit-elle? Paul affirme que Dieu nous justifie par la foi sans les œuvres. Il ajoute cependant que nous serons jugés par nos œuvres : « Il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu'il aura fait, étant dans son corps. » (2 Co 5.10). Comment réconcilier ces affirmations? 

Jacques va plus loin, non seulement il déclare que l’homme est justifié par les œuvres, mais il affirme textuellement qu’il n’est pas justifié par la foi seule : « Vous voyez que l'homme est justifié par les œuvres, et non par la foi seulement. » (Jc 2.24). À ses yeux, une foi sans œuvres est morte. Devant ce problème il y a trois possibilités. Nous pouvons soit pencher en faveur de Paul, soit pencher en faveur de Jacques ou soit réaliser qu’il n’y a aucune contradiction entre l’un et l’autre et voir l’harmonie entre la foi et les œuvres. 

L’explication 

Les réformés ont toujours enseigné que l’obéissance4 est nécessaire au salut, non pas cependant comme cause méritoire, mais comme conséquence notoire du salut. Autrement dit, la justification ne découle pas de l’obéissance du chrétien, mais l’obéissance du chrétien découle de sa justification. Il est impossible d’avoir la justification sans avoir aussi la sanctification (Hé 12.14). Jacques ne nie pas la justification par la foi seule, mais il s’oppose à certaines personnes qui enseignent une justification sans conversion. Jacques démontre que la vraie foi résulte toujours d’une conversion et se manifeste nécessairement par un changement de vie, c'est-à-dire de bonnes œuvres. 

Selon les réformés, la foi qui justifie contient trois éléments : notitia, assensus et fiducia. Tout d’abord, pour croire il faut les données de la foi (notitia). On ne peut croire en Christ à moins d’entendre parler de lui (Rm 10.14-17). Entendre l’Évangile ne sauve pas, il faut encore l’accepter. Le deuxième élément de la foi, assensus, signifie donner son assentiment. En entendant que Christ est le Fils de Dieu et le Sauveur du monde, on peut croire ou ne pas croire cette affirmation. Pour pouvoir être sauvé, il est absolument nécessaire de croire l’Évangile. Cependant, « croire » n’est pas suffisant pour être sauvé. Voici une illustration qui explique pourquoi. Je peux, à l’aide d’une carte routière, vous démontrer que pour aller à Nancy, il faut nécessairement passer par l’autoroute qui y mène, l’A4. Cependant, cela ne vous mènera pas à Nancy; ce ne sont que les notitias. Il faut encore que vous reconnaissiez que ce que la carte montre correspond à la réalité géographique et que l’information qu’elle vous donne est fiable et véridique (assensus). Cependant, en donnant votre assentiment cela ne vous conduira pas à Nancy, à moins que vous ne suiviez personnellement les indications de la carte. Il s’agit du troisième élément d’une vraie foi. 

Le troisième élément est fiducia qui signifie « confiance » en latin. Il s’agit de l’étape où la foi devient une confiance personnelle en Christ. Une fiducie c’est lorsque nous confions un bien ou des épargnes à un créancier pour qu’il le garde et l’administre à notre place. En anglais le mot fiducie est trust (confiance). Nous devons confier notre vie entière à Christ : « Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera. » (Mt 16.25). Croire que Jésus mène au ciel ne sauve pas à moins de suivre personnellement Jésus en lui confiant sa vie. Suivre Jésus, ce sont les œuvres dont parle Jacques, les œuvres qui viennent de la foi en lui. Cette « foi est agissante par la charité » (Ga 5.6). Les œuvres sont donc nécessaires pour démontrer la foi et prouver qu’il s’agit d’une foi véritable. « Mais quelqu'un dira: Toi, tu as la foi; et moi, j'ai les œuvres. Montre-moi ta foi sans les œuvres, et moi, je te montrerai la foi par mes œuvres. » (Jc 2.18) 

Récapitulons. Si quelqu’un dit qu’il croit, mais qu’il n’a pas l’obéissance d’une vie nouvelle pour crédibiliser sa foi, sa foi est vaine et ne vient pas d’un cœur renouvelé. Si quelqu’un pratique des œuvres de justice et de bienfaisance, mais ne se confie pas en Christ pour être justifié, il sera condamné, car ses œuvres ne peuvent le justifier. La foi sans les œuvres est vaine et les œuvres sans la foi sont vaines également. Mais attention! Ce ne sont pas la foi plus les œuvres qui justifient. Nous sommes justifiés par la foi seule de laquelle découlent toujours des œuvres. Les réformés ont un bel adage pour résumer cet enseignement : nous sommes justifiés par la foi seule, mais la foi qui justifie n’est jamais seule, car elle est toujours accompagnée de l’obéissance. 

Concernant le jugement par les œuvres, la Bible ne présente qu’un seul jugement final et il s’agit d’un jugement d’œuvres. Soyons assurés que les chrétiens régénérés n’auront à faire face à aucune condamnation dans ce jugement (Rm 8.1). Mais pourquoi serons-nous jugés si nous ne sommes plus condamnés? Parce que ce seront nos œuvres qui attesteront si nous sommes réellement justifiés par la foi. Ceci me semble évident dans la parabole du jugement des nations de Matthieu 25. Commentant celle-ci, J.I. Packer écrit : 

(...) C’est le fait d’avoir ou non secouru les chrétiens dans la détresse qui servira de critère. Pourquoi cela? Ce n’est pas parce que, dans le premier cas, l’action aura été méritoire et, dans le second, condamnable, mais c’est parce que ces actions permettront de savoir s’il existait au fond du cœur de l’individu concerné l’amour de Christ, cet amour qui prend sa source dans la foi5. 

Christ déclare : « Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » (Mt 7.21). Jésus n’enseigne pas la justification par les œuvres, mais le jugement par les œuvres. Les œuvres démontrent la véritable nature de notre « Seigneur, Seigneur! » 

De la même façon qu’il y aura un degré de châtiment pour ceux qui seront condamnés (Mt 11.20ss ; Lc 12.47-48), il y aura aussi un degré de récompense pour ceux qui sont justifiés : « C'est pourquoi ne jugez de rien avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur, qui mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les desseins des cœurs. Alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui sera due. » (1 Co 4.5). La justification par la grâce et par la foi ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’évaluation finale. C’est pourquoi il importe de construire sa vie avec les bons matériaux (1 Co 3.12-15). 

Réjouissons-nous de ce que la justification par la foi seule, tout en étant gratuite, nous rend responsables. Il s’agit du plus grand cadeau qu’un homme puisse recevoir; un cadeau qui vaut mieux que la vie elle-même, car il est écrit : « ta bonté vaut mieux que la vie » (Ps 63.3). Cependant, le fait que nous héritons gratuitement et définitivement de la vie éternelle ne nous mène pas vers une vie dissolue de laisser-aller, mais vers une vie de justice et d’œuvres bonnes. Et même si le ciel est gratuit et immérité, il y aura des récompenses. 

Lecture supplémentaire : Ep 2.8-10 

1 Henri Blocher, La doctrine du péché et de la rédemption, Vaux-sur-Seine, Édifac, 2000, p. 289. 

2 Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, III, XI, 7.
3 B.B. Warfield, Biblical Doctrines, Grand Rapids, Baker, 1932, p. 504. 

4 Lorsque nous parlons des bonnes œuvres du croyant, il est question de l’obéissance à Dieu. Pratiquer de bonnes œuvres, c’est faire la volonté de Dieu telle que révélée dans sa Parole. 

 

5 James Packer, Connaître Dieu, Mulhouse Cedex, Éditions Grâce et vérité, 1994, p. 159. 

 

LA FPMA

REVEIL DANS LE MONDE

Histoire de quelques grands réveils dans le monde

VIDEO - FILM

 

 

Woodlawn est un film américain réalisé par les frères Andrew et Jon Erwin, sorti le aux États-Unis. Le film est basé sur la vie de Tandy Gerelds et Tony Nathan (en)