Chapitre 3
Sola fide, la justification
 

Le deuxième sola de la foi réformée est le sola fide, qui signifie par la foi seule; sous-entendu que la justification est par la foi seule et non par les œuvres. Avant de considérer la place et la fonction de la foi dans la justification, nous devons considérer la justification elle-même, car nous ne comprendrons pas ce que signifie être justifié par la foi si nous ne comprenons pas ce qu’est la justification. Nous nous limiterons à la définition de la justification; dans notre prochaine étude, nous verrons comment les croyants sont justifiés par la foi. 

La doctrine de la justification est l’une des plus importantes dans l’édifice du christianisme. Le réformateur Luther déclara qu’il s’agit de la doctrine sur laquelle l’Église tient ou s’écroule. Calvin écrit que la justification « est l’article principal de la religion chrétienne1 ». De tout temps il y a eu des erreurs graves quant à cette doctrine et aujourd’hui encore, même dans nos milieux, cette doctrine essentielle n’est pas toujours bien comprise. Nous aborderons la justification sous trois points : 1. la nature de la justification; 2. le problème de la justification; et 3. la solution de la justification. 

1. La nature de la justification 

La justification ne nous rend pas meilleurs ni pires, elle ne change pas notre cœur ou notre pensée, car cela n’est pas le rôle de la justification, mais il s’agit du rôle de la sanctification qui a lieu seulement après la justification. Que fait donc la justification? Elle est un verdict, une déclaration légale, un jugement juridique. Justifier consiste à déclarer juste. La justification est l’inverse de la condamnation : de même que condamner consiste à déclarer coupable et non à rendre coupable, justifier consiste à déclarer juste et non à rendre juste. En nous justifiant, Dieu nous déclare justes,  mais il ne nous rend pas justes. Luc 7.29 démontre que le mot justifier ne peut pas signifier rendre juste : « Et tout le peuple qui l'a entendu et même les publicains ont justifié Dieu ». Les publicains ont-ils rendu Dieu plus juste qu’il ne l’était déjà ou l’ont-ils simplement déclaré juste? La réponse est évidente : justifier Dieu signifie déclarer que Dieu est juste; c’est également ce que Dieu fait avec nous. 

Avant la Réforme ce n’est pas ainsi qu’on concevait la justification. Pour les catholiques romains la justification consistait à rendre juste et non à déclarer juste. Pour pouvoir entrer au ciel, il fallait devenir parfaitement juste sans aucun péché. Cette justification s’opérait par l’infusion de la grâce de Dieu en nous. Au moyen des sacrements, on infusait Christ dans le pécheur et sa présence, mélangée aux bonnes œuvres du pratiquant, purifiait progressivement le chrétien. La justification était considérée comme un processus continuel jusqu’à ce que la perfection soit atteinte. Si le chrétien mourait avant d’être devenu parfait, il allait au purgatoire, un enfer temporaire, jusqu’à ce qu’il soit complètement purifié avant d’entrer au paradis. 

Les réformés ont rejeté la conception romaine de la justification par infusion. D’après les réformés, l’Écriture enseigne que la justification consiste simplement à changer notre statut juridique devant Dieu pour nous faire passer d’un statut de coupables à un statut de justes. Les réformés voient la justification comme un verdict dans lequel Dieu acquitte définitivement le croyant. De ce verdict découlent toutes les bénédictions spirituelles. Le croyant n’a pas à attendre de devenir parfait pour recevoir la vie éternelle, il la reçoit dès l’instant où il met sa foi en Christ. 

Voici comment Sinclair Ferguson compare la position catholique avec la position réformée : « La justification *chez les catholiques+ devient le but vers lequel l’individu progresse, non le fondement sur lequel toute la vie chrétienne est vécue2. » Les catholiques vivent toute leur vie dans l’attente d’être déclarés justes, tandis que les réformés vivent toute leur vie sur le fait qu’ils ont été déclarés justes. Les catholiques voient la justification comme un acte progressif, tandis que les réformés voient la justification comme une déclaration définitive. Les catholiques doivent gagner leur ciel, tandis que les réformés le reçoivent gratuitement du fait qu’ils ont été déclarés justes. 

2. Le problème de la justification 

La justification, telle que nous l’avons définie, pose un sérieux problème : comment Dieu peut-il déclarer juste des injustes tout en demeurant un Dieu juste? Paul comprend ce problème lorsqu’il affirme que Dieu devait agir « de manière à être juste tout en justifiant » (Rm 3.26). Dieu peut-il, sans mentir, rendre un verdict légal sur nos vies et nous déclarer justes devant sa loi ? Cela semble impossible pour la raison suivante : « Tous ont péché » (Rm 3.23). Si tous ont péché, tous sont coupables. L’Écriture dit : « Celui qui justifie le méchant et celui qui condamne le juste sont tous deux en abomination à l'Éternel. » (Pr 17.15, Darby). Abraham déclare à Dieu : « Faire mourir le juste avec le méchant, en sorte qu'il en soit du juste comme du méchant, loin de toi cette manière d'agir! loin de toi! Celui qui juge toute la terre n'exercera-t-il pas la justice? » (Gn 18.25). Dieu pourrait sans problème nous déclarer justes si nous étions justes, mais l’Écriture déclare que Dieu est « celui qui justifie l'impie » (Rm 4.5). Il s’agit d’une totale contradiction : déclarer juste l’impie est un outrage à la justice, c’est un mensonge, c’est un paradoxe, une contrevérité, une aberration. 

Comment Dieu peut-il faire une chose si contraire à sa propre nature? Comment Dieu peut-il faire une telle chose et demeurer juste lui-même? Que penseriez-vous d’un juge qui acquitterait un voleur, ou un tueur, ou un violeur? Des sanctions seraient immédiatement prises contre un tel juge. Pourtant, Dieu déclare justes les impies que nous sommes. Nous avons menti, haï, convoité, volé, commis des impuretés, des sacrilèges; il n’y a pas un commandement que nous n’avons pas transgressé et Dieu nous déclare justes malgré tout. Comprenez bien, Dieu ne fait simplement nous pardonner nos péchés, il nous déclare justes, c’est bien différent. Dieu déclare que nous avons parfaitement respecté sa loi et que nous sommes des justes qui méritent la vie éternelle. Le problème c’est que tout le monde sait que c’est faux! 

3. La solution de la justification 

Maintenant que le problème de la justification est posé, voyons la solution que la Bible lui apporte. L’Écriture nous annonce une bonne nouvelle : Dieu a trouvé un moyen, non seulement de ne pas condamner les coupables, mais de les déclarer justes, tout en demeurant juste. Arrêtons-nous, avant de contempler cette solution, pour admirer la toute-puissance et la bonté infinie de Dieu. Un jour les disciples réalisèrent l’impossibilité pour l’homme d’entrer au ciel de lui-même : « Les disciples, ayant entendu cela, furent très étonnés, et dirent: Qui peut donc être sauvé? Jésus les regarda, et leur dit: Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible. » (Mt 19.25-26). Mes frères bien- aimés, il faut que vous compreniez que c’était radicalement impossible pour nous d’être sauvés. Notre salut était quelque chose de réellement impossible et non simplement un gros défi à relever, nous ne pouvions pas ne pas être condamnés. C’est dans l’Évangile que l’omnipotence de Dieu prend tout son sens. 

Voici pourquoi notre justification était impossible sauf à Dieu. Lorsque Dieu a créé l’homme, il a établi une alliance avec lui. Cette alliance était le cadre qui définissait la relation entre Dieu et l’homme. Il s’agissait de l’alliance des œuvres. Les termes de cette alliance étaient très simples : l’obéissance égale la vie, la désobéissance égale la mort (Gn 2.16-17 ; Rm 5.12ss). Cette alliance était valide non seulement pour Adam, mais pour tous ses descendants. Lorsqu’Adam a désobéi, il a entraîné toute l’humanité avec lui dans sa chute : « par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes » (Rm 5.18). Après la chute, l’alliance des œuvres n’a pas été abolie, car elle est la base du principe de justice. Par contre, cette alliance ne peut que condamner et donner la mort dorénavant puisque tous désobéissent; sa promesse de donner la vie ne sert plus à rien. C’est ce que Paul veut dire en écrivant : « S'il eût été donné une loi qui pût procurer la vie, la justice viendrait réellement de la loi. » (Ga 3.21). La loi de l’alliance des œuvres ne peut aucunement procurer la vie « parce que la chair [le péché] la rendait sans force » (Rm 8.3). 

À cause de l’alliance des œuvres, Dieu ne peut pas ne pas condamner le péché. Voici donc ce qui rend notre justification impossible : ayant tous péché (Rm 3.23), Dieu peut uniquement nous déclarer coupables et nous condamner. La condamnation c’est la mort (Rm 6.23). À ce point nous sommes dans le désespoir total; il n’y a rien que l’homme puisse faire pour remédier à cette situation. Il faut absolument que tous les hommes soient condamnés, autrement Dieu commet une injustice. La seule possibilité pour que les coupables ne soient pas condamnés étant qu’un juste soit condamné à leur place. Cela est radicalement est impossible, premièrement parce qu’il n’y a pas même un seul juste (Rm 3.10) et deuxièmement parce qu’aucun juste n’accepterait de mourir pour des coupables
(Rm 5.7-8). 

C’est ici que l’impossible devient un accomplissement historique; Dieu fait une chose que seule l’omnipotence pouvait accomplir: il s’incarne et devient un homme. Le Dieu infini est devenu un homme caractérisé par la finitude; il s’agit d’un mystère impénétrable pour la raison, mais que le Seigneur a pourtant accompli. Dieu fait des merveilles. Christ, Dieu fait homme, est venu dans le monde expressément afin de pouvoir justifier l’homme. Voici donc comment l’injustifiable a été justifié par l’œuvre de Christ. 

L’obéissance active et passive de Christ 

Nous lisons en Romains 5.19 : « Car, comme par la désobéissance d'un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l'obéissance d'un seul beaucoup seront rendus justes. » Généralement, dans nos milieux, nous comprenons que nous sommes justifiés par la mort de Jésus pour nos péchés. Cela est vrai, mais seulement à moitié. Si Dieu ne considérait que la mort de Jésus pour nous, nous ne serions plus condamnés, mais Dieu ne nous déclarerait pas justes. Pourquoi? Parce que Dieu exige plus qu’un paiement pour les péchés, il exige une parfaite obéissance à sa justice. Seul celui qui fournit une obéissance parfaite sera déclaré juste et obtiendra la vie éternelle. Dans son état d’innocence, Adam était capable d’une telle obéissance, mais depuis la chute aucun homme n’a pu obtenir la vie éternelle par son obéissance, sauf un : le dernier Adam qui est né sans péché. 

Nous ne sommes pas justifiés seulement par la mort de Jésus, mais aussi par sa parfaite obéissance à la loi. Avez-vous déjà remarqué que l’Écriture dit que c’est par l’obéissance de Christ que nous sommes sauvés? « Par l'obéissance d'un seul beaucoup seront rendus justes. » (Rm 5.19) « Ayant paru comme un simple homme, il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix. » (Ph 2.8) C’est ce qu’on appelle l’obéissance active et passive de Christ. Son obéissance passive consiste à subir passivement le châtiment que nous méritons. Par l’obéissance passive de Christ, nous sommes sauvés de la condamnation. Son obéissance active consiste à obéir parfaitement à toute la loi afin de recevoir le statut de juste et les privilèges qui y sont rattachés. Par l’obéissance active de Christ, nous sommes déclarés justes et héritons de la vie éternelle. 

Pour nous aider à comprendre ce que signifie la justification par l’imputation de l’obéissance de Christ, voici deux illustrations. La première vient d’un pasteur non réformé qui tentait d’expliquer à un jeune homme ce qu’est la justification. Il prit la main du jeune homme et lui dit : « Cette main c’est toi ». Puis il prit un gros livre noir et le mit dans sa main en disant : « Ceci est ton péché. La colère de Dieu est sur toi, car Dieu hait le péché. Ta condamnation est assurée. » Ensuite il prit l’autre main du jeune homme et lui dit : « Cette main c’est Christ ». Finalement, il enleva le gros livre noir de 

sa main et le déposa sur la main qui représente Christ en lui expliquant que Christ a porté son péché et a été puni à sa place de sorte qu’il n’y a plus de condamnation pour lui. 

Voici la même illustration, racontée par un pasteur réformé. Le pasteur prit la main du jeune homme et lui dit : « Cette main c’est toi ». Puis il prit un gros livre noir et le mit dans sa main en disant : « Ceci est ton péché. La colère de Dieu est sur toi, car Dieu hait le péché. Ta condamnation est assurée. » Ensuite il prit l’autre main du jeune homme et lui dit : « Cette main c’est Christ ». Puis il prit un gros livre blanc et le déposa dans la main représentant Christ en disant : « Ceci est la parfaite justice de Christ qui le rend agréable et juste aux yeux de Dieu ». Il prit le livre noir et le déposa sur la main représentant Christ et prit le livre blanc et le déposa sur la main représentant le jeune homme; puis il lui lut 2 Corinthiens 5.21 : « Celui qui n'a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » 

La justification c’est plus que le pardon de nos péchés, c’est l’imputation de la justice de Christ. C’est ce que Paul veut dire lorsqu’il affirme que Christ « a été fait pour nous sagesse, justice et sanctification et rédemption » (1 Co 1.30). Être justifié ne signifie pas que Dieu a aboli la justice de sa loi pour que nous puissions vivre impunément. La justice de la loi est dorénavant accomplie en nous qui croyons, de sorte que l’Écriture dit : « Ayant été affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice. » (Rm 6.18). Un peu plus loin, elle continue : « Dieu a condamné le péché dans la chair, en envoyant, à cause du péché, son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, et cela afin que la justice de la loi fût accomplie en nous. » (Rm 8.3-4). Nous ne sommes pas simplement pardonnés, nous sommes justifiés, c'est-à-dire déclarés justes; c’est pourquoi nous avons une justice qui « surpasse celle des scribes et des pharisiens » (Mt 5.20). Parce que Christ nous a donné sa justice, nous marchons avec la loi écrite dans nos cœurs par le Saint-Esprit de Dieu. 

Une fois que Dieu nous impute gratuitement la justice de Christ, il peut, sans mentir, nous déclarer justes et nous accorder la vie éternelle. Nous n’avons pas besoin d’attendre le jugement final pour connaître le verdict de Dieu sur nos vies, déjà nous sommes justifiés. En Jésus-Christ, Dieu a été juste sans anéantir sa miséricorde et il a été miséricordieux sans anéantir sa justice. L’Évangile de Jésus-Christ est la seule réponse de Dieu à l’humanité. Ce n’est que dans l’Évangile où Dieu peut se montrer juste et miséricordieux à la fois. Je parlais avec un musulman l’autre jour qui affirmait qu’Allah était miséricordieux; je lui ai répondu « Il n’est donc pas juste? » Surpris, il rétorqua « Mais oui il est juste ». Je lui ai alors expliqué qu’il ne pouvait pas avoir les deux à la fois. Si Allah est miséricordieux et ne punit pas le péché, il commet une injustice. S’il est juste et qu’il condamne le péché, il n’est pas miséricordieux. L’Évangile est la seule solution au problème que crée le mal devant un Dieu juste et miséricordieux. 

Lecture supplémentaire : Es 53.10-12 

1 Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, III, XI, 1. 

2 Sinclair Ferguson, « Sola Fide », After Darkness, Light, Phillipsburg, P&R, 2003, p. 85. 

LA FPMA

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