Chapitre 1
Sola Scriptura
Le point fondamental, sur lequel toute la Réforme protestante fut construite, fut l’Écriture seule. Il y a deux passages des épîtres de Paul auxquels je pense pour introduire ce principe. « Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire. » (Ep 2.20) Certains diront que le seul fondement de l’Église c’est Jésus-Christ. À quoi je dis Amen! Par contre, de quel Christ parlons-nous? Est-ce le Christ des apôtres et des prophètes, c'est-à-dire le Christ des Écritures, ou un faux christ comme celui des mormons ou des témoins de Jéhovah par exemple? Une Église, pour être édifiée, doit impérativement s’élever sur le fondement des apôtres et des prophètes, c'est-à-dire la Bible.
L’autre passage auquel je pense est le suivant : « Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, j'ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus. Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. » (1 Co 3.10-11). Deux pièges ont guetté l’Église au cours de son histoire et elle y est parfois tombée: 1. Poser un autre fonde-ent que celui des apôtres en abandonnant la Parole de Christ. 2. Mal bâtir sur ce fondement, c'est-à-dire s’écarter du plan d’architecture tout en bâtissant sur le même fondement.
Puisqu’être réformé signifie croire et appliquer le principe du sola Scriptura, il est impératif de comprendre ce que ce principe signifie.
1. Qu’est-ce que sola Scriptura?
La Réforme protestante n’est pas arrivée avec la découverte du principe sola Scriptura, mais avec la découverte de la justification par la foi seule (sola fide). C’est un peu plus tard que les protestants sont arrivés à la conclusion inévitable du sola Scriptura. En étudiant la Bible, Martin Luther a redécouvert que l’homme n’est pas justifié grâce à ses bonnes œuvres, mais uniquement par la foi en Jésus-Christ... Lorsqu’il a commencé à prêcher cet Évangile, l’Église catholique romaine s’est farouchement opposée, car l’enseignement catholique romain était contraire. Luther, et tous ceux qui étaient de son avis se sont retrouvés devant un dilemme : ou bien l’Église catholique romaine a raison ou bien la Bible a raison, mais les deux ne peuvent pas avoir raison. Voici ce que Luther a répondu aux autorités catholiques qui l’ont sommé de se rétracter et de revenir à l’enseignement de Rome :
Puisque Votre Majesté Impériale et Vos Seigneuries me demandent une réponse nette, je vais vous la donner sans cornes et sans dents. Non! Si l’on ne me convainc par les témoignages de l’Écriture ou par des raisons décisives, car je ne crois ni au Pape ni aux conciles seuls, puisqu’il est clair comme le jour qu’ils ont souvent erré et qu’ils se sont contredits. Je suis dominé par les Saintes Écritures que j’ai citées, et ma conscience est liée par la Parole de Dieu. Je ne peux ni ne veux me rétracter en rien, car il dangereux d’agir contre sa propre conscience. Me voici, je ne puis autrement. Que Dieu me soit en aide!1
Sola Scriptura signifie que l’Écriture seule est la Parole de Dieu et qu’elle est la seule norme de la foi et de l’Église. La position protestante pouvait sembler être un progrès ou une nouveauté dans l’histoire de l’Église, mais comme l’écrit Keith Mathison, il s’agissait d’un retour à la position des apôtres et des premiers chrétiens jusqu’au Moyen-âge.
Des hommes comme Martin Luther et Jean Calvin n’ont pas créé une nouvelle doctrine lorsqu’ils ont combattu la tyrannie et l’apostasie de l’Église catholique romaine en établissant le sola Scriptura. En fait, les Réformateurs appelèrent l’Église à revenir à son enseignement précédent, à revenir à la conception qu’il n’existe qu’une seule source de révélation2.
Une Église qui se dit réformée doit nécessairement être une Église centrée sur la Parole. C’est ce que nous appelons la centralité des Écritures.
2. Qu’est-ce que la centralité des Écritures?
Beaucoup d’Églises protestantes acceptent le principe sola Scriptura en théorie, mais le rejettent en pratique en ne l’appliquant tout simplement pas. L’Église doit-elle être centrée sur la mission? Ou sur les relations entre croyants? Ou sur la famille? Ou sur l’amour? Ou sur l’étude? Ou sur la prière? Ou sur un projet qu’elle s’est donné? Ou sur la relation d’aide? Ou sur elle-même? La bonne réponse ne dépend pas de notre opinion, mais de celle de Dieu : qu’est-ce que Dieu nous appelle à mettre au centre de l’Église? La réponse est simple : Dieu nous appelle à Le mettre au centre de l’Église, de nos familles et de nos vies. Le prophète Ésaïe reçut une vision de Dieu : « L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple. » (Es 6.1). Seul le Seigneur doit remplir le temple, il ne doit y avoir de la place pour aucun autre que Lui. Les réformés croient qu’il n’y a qu’une seule façon pour l’Église d’être centrée sur Dieu, c’est en étant centré sur la Parole de Dieu. Il n’y a aucune séparation possible entre ce que Dieu dit et ce que Dieu fait, entre la Parole de Dieu et Dieu lui-même. Connaître l’Écriture c’est connaître Dieu, car il s’agit de la seule révélation par laquelle nous connaissons Dieu. Bien sûr il faut le Saint-Esprit pour comprendre la Parole, mais le Saint-Esprit n’agit pas séparément de la Parole. Ce que l’Esprit fait, la Parole le fait et vice-versa.
En étant centrée sur l’Écriture, l’Église sera en harmonie avec la volonté de Dieu pour sa mission, ses relations, l’amour et tout ce qui peut concerner une vie d’Église. Si la Parole n’est pas notre seule guide, nous nous éloignerons forcément de la volonté de Dieu. Nous ne deviendrons pas nécessairement des hérétiques, mais nous ne serons pas au diapason de Dieu et le Jour du Seigneur révélera que nous aurons mal construit sur le fondement.
Tous les grands réveils dans l’histoire de l’Église furent provoqués par la prédication de la Parole. Lorsque la vérité est proclamée, exposée et appliquée, la lumière jaillit. Inversement, tous les moments de déclin sont venus avec un abandon de la prédication biblique. Il n’y a absolument rien qui puisse remplacer la centralité de la prédication de la Parole dans l’Église, car « il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication » (1 Co 1.21). Malheureusement, de plus en plus d’Églises évangéliques, sans abandonner complètement l’Écriture, introduisent plusieurs autres éléments qu’ils placent au centre du temple. Un peu comme les Israélites qui continuaient de rendre un culte à l’Éternel, dans un temple rempli d’idoles. La prédication des Écritures est concurrencée ou carrément remplacée par des témoignages de vie, des partages, de la musique, des présentations actées ou audiovisuelles, l’étude et l’application d’un livre chrétien, des prédications sans contenu biblique, des prédications au contenu biblique partiel qui ne déclarent pas tout le conseil divin, etc. Dans ces circonstances, ce n’est plus Dieu qui parle à son peuple, mais l’homme; la vérité n’est plus proclamée, mais toutes sortes de discours agréables. La nouvelle façon d’implanter une Église, pour avoir du succès, consiste à demander aux gens, convertis ou non, ce qu’ils attendent d’une Église, comment ils veulent que leur Église réponde à leurs besoins et à ceux de la communauté. C’est maintenant l’homme qui définit ce qu’est l’Église et non Dieu.
A.W. Tozer avait perçu une grave erreur qui prenait déjà beaucoup d’ampleur à son époque (il est mort en 1963) : « Une des erreurs populaires aujourd’hui, et une de laquelle jaillit beaucoup de bruit et d’activités religieuses confuses dans les cercles évangéliques, est l’idée que l’Église doit changée avec les temps qui changent3... » Bien avant le pasteur Tozer, le pasteur Paul fit cette déclaration sur un ton grave et solennel :
Je t'en conjure devant Dieu et devant Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, et au nom de son apparition et de son royaume, 2 prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant. 3 Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine; mais, ayant la démangeaison d'entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, 4 détourneront l'oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables. (2 Tm 4.1-4)
La Bible est de moins en moins aimée parce que nous n’aimons pas tout ce qu’elle a à nous dire. Le message de l’amour de Dieu est merveilleux, mais ce que Dieu dit concernant la sanctification, l’obéissance, la consécration, l’abandon du monde et de nos penchants, l’exclusivité de Jésus-Christ et les choses de ce genre sont trop difficiles. Nous préférons ne pas les entendre. On raconte l’histoire d’un homme qui aimait la science et était fasciné par le monde microscopique. Un jour il fit l’acquisition d’un puissant microscope. Il était ravi de passer des heures à observer toutes sortes de choses sous l’œil puissant de son appareil et examinait tout ce qu’il pouvait. Alors qu’il s’apprêtait à manger son repas préféré, il examina sa nourriture avec le microscope et, à son plus grand dégoût, il s’aperçut que dans sa nourriture il y avait de minuscules petites créatures qui grouillaient par milliers. Il ne voulut pas en savoir davantage de peur de devoir renoncer à son plat favori. Après avoir mangé, il alla détruire le microscope et tenta d’oublier ce qu’il avait vu. C’est ainsi que plusieurs agissent avec la Bible, ils la trouvent merveilleuse, jusqu’au jour où elle leur revoit une image de leur propre cœur qu’ils ne veulent pas voir...
3. Pourquoi l’Écriture doit-elle être centrale?
Terminons avec une dernière question : pourquoi l’Écriture doit-elle être centrale? Voici trois raisons.
L’Écriture doit être centrale à cause de sa nécessité
La lumière naturelle, c'est-à-dire la sagesse des hommes, leur conscience et la nature ne peuvent nous conduire à salut dans la volonté de Dieu. L’Écriture est donc absolument nécessaire pour connaitre Dieu et faire sa volonté. Si l’Écriture n’était pas absolument nécessaire, nous pourrions mettre autre chose au centre de l’Église. Mais comme il est impossible d’être sauvé sans la prédication de la Parole (Rm 10.17), et comme il est impossible, une fois sauvé, de croître sans la prédication de la Parole (Hé 5.12-14 ; 1 P 2.2); il est donc nécessaire que l’Écriture soit centrale.
L’Écriture doit être centrale à cause de son autorité
Depuis le 18e siècle, il y a un dogme biblique qui est attaqué de toute part, il s’agit de l’inspiration des Écritures. La raison en est bien simple : si l’inspiration de l’Écriture tombe, l’autorité de l’Écriture tombe aussi... Le Nouveau Testament dit : « Toute Écriture est inspirée de Dieu » (2 Tm 3.16). Que signifie cette affirmation? Le mot « inspiré » vient du mot grec qeop, neustoj, theopneustos qui signifie littéralement soufflé par Dieu. Cela signifie que l’Écriture est sortie directement de Dieu. Voici la question qui nous permet de régler le problème de l’autorité dans l’Église : la Bible est-elle la Parole de Dieu ou la parole des hommes? S’il s’agit de la parole des hommes elle n’a pas plus autorité qu’une simple tradition faillible avec peut-être quelques bons préceptes. Cependant, l’opinion de Paul concernant la femme n’est que l’opinion de Paul et l’opinion de Jean concernant le péché n’est que l’opinion de Jean et les commandements de Moïse ne sont que les commandements de Moïse. Par contre, si toute l’Écriture est inspirée il s’agit de la Parole de Dieu, normative dans toutes ses affirmations et nul ne peut s’y soustraire. Nous croyons que la Bible est la Parole de Dieu parce qu’elle le dit, et nous savons que ce qu’elle dit est vrai à cause de témoignage du Saint-Esprit en nous.
Une Église réformée est une Église qui croit à l’inspiration verbale de toute la Bible; Dieu a inspiré les mots que les auteurs ont employés et non seulement les idées de la Bible. Une Église réformée se soumet donc entièrement à tout le conseil divin et ne conteste aucune affirmation de l’Écriture au nom de quelque revendication humaine que ce soit.
Réalisons-nous que Dieu nous parle chaque fois que sa Parole est prêchée? La prédication de la Parole de Dieu est la Parole de Dieu! Les prédicateurs de la Bible ne sont que des porte-paroles; lorsqu’ils prêchent fidèlement l’Écriture, c’est Dieu qui parle. Qu’ils soient humbles et très prudents, car ils seront jugés plus sévèrement (Jc 3.1). Cela peut sembler douteux de défendre ainsi la prédication lorsqu’on est celui qui prêche, en particulier à une époque si opposée à toute forme d’autorité où chacun revendique son autonomie. Mais que cela nous plaise ou non, Dieu a établi ici- bas plusieurs autorités et une seule est infaillible : Sa Parole. L’autorité de l’Église et de ses officiers repose uniquement sur la Bible.
Conclusion : celui qui résiste à la Parole résiste à Dieu. L’Écriture doit donc être centrale dans l’Église, car c’est la seule façon d’être soumis à Dieu et non aux hommes.
L’Écriture doit être centrale à cause de sa suffisance
Croyons-nous que la Parole de Dieu est vivante, qu’elle est efficace et qu’elle seule accomplit tous les desseins de Dieu? Dieu le croit lui : Hé 4.12 ; 1 P 1.23 ; Es 55.11. Si nous n’en sommes pas persuadés il ne faudra pas longtemps avant que nous prenions autre chose que la Parole de Dieu pour faire des disciples et les former. Nombre d’Églises sont tombées dans ce piège; elles cherchent des moyens toujours plus efficaces pour convertir de nouvelles personnes et faire progresser l’Église. Il y a certes des résultats, mais ils sont artificiels. On ne prêche plus l’Évangile pour sauver des âmes, mais des témoignages personnels ou des séminaires sur l’estime de soi. On n’enseigne plus la Bible pour édifier l’Église, mais on cherche des méthodes pour fidéliser les gens, on invente des ministères où les gens peuvent se réaliser sans nécessairement embrasser la vie de disciple telle que l’Écriture l’entend.
Tous ces efforts, possiblement sincères, mais fondamentalement erronés, démontrent que les chrétiens ont de moins en moins confiance dans la suffisance des Écritures. La Bible est-elle suffisante pour nous dire comment élever nos enfants, ou est-elle archaïque et dépassée? L’enseignement du Christ sur la mort à soi-même est-il suffisant pour résoudre nos problèmes d’estime personnelle? La Parole apostolique est-elle suffisante pour nous dire comment l’Église doit être bâtie ou avons-nous aussi besoin des méthodes empiriques des spécialistes? La prédication de la croix peut- elle encore sauver les brebis du Christ ou faut-il trouver un message plus attrayant pour au moins pour les attirer à l’Église? Voici un passage que nous ferions bien de nous rappeler :
27 Le riche dit: Je te prie donc, père Abraham, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père; 28 car j'ai cinq frères. C'est pour qu'il leur atteste ces choses, afin qu'ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. 29 Abraham répondit: Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent. 30 Et il dit: Non, père Abraham, mais si quelqu'un des morts va vers eux, ils se repentiront. 31 Et Abraham lui dit: S’ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu'un des morts ressusciterait. (Lc 16.27-31)
L’Écriture doit être centrale parce qu’elle est pleinement suffisante pour mener les croyants et l’Église dans toute la volonté divine. Seule la Parole de Dieu est efficace pour sauver et édifier les croyants.
Lecture supplémentaire : Es 8.19-20 ; 55.10-11
1 Cité par J.M. Nicole, Précis d’histoire de l’Église, Nogent-sur-Marne, Éditions de l’Institut Biblique, 1972, p. 141.
2 Keith A. Mathison, « Sola Scriptura », After Darkness, Light, Phillipsburg, P&R, 2003, p. 35
3 Cité par Tom Lyon, The Centrality of Preaching, Fullerton, Reformed Baptist Publications, p. 1. 4